Mobilité post-Covid, voie royale pour la petite reine

Citec

PODCAST – Le jeudi 23 juin, la matinale radio de la RTS « On en parle » a interrogé Franco Tufo, Directeur général du groupe Citec, sur la mobilité genevoise après-COVID.

Le silence en pleine ville et des voies royales pour cyclistes et piétons. Tout le monde se souvient des effets secondaires du semi-confinement de mars-avril-mai. Qu’en est-il depuis le déconfinement du 11 mai ? Le trafic a certes repris, mais dans quelles proportions ? Y aura-t-il un « après-Covid » en matière de mobilité vélo ?

Analyse des compteurs en ville de Genève avec Franco Tufo, ingénieur transports et enseignant à lʹEPFL et à lʹHEPIA, la haute école du paysage, de lʹingénierie et dʹarchitecture de Genève et Directeur général du groupe Citec, au micro de Frédérique Volery.

 

 


 

RTS : Que s’est-il passé entre les mois de mars et de mai en termes de mobilité ? Dans quelles proportions le trafic routier a-t-il diminué ?

TU : La période que nous avons vécu est totalement spectaculaire, historique et unique, aussi bien en Suisse qu’en Europe. C’est pourquoi, nous avons décidé de mettre en place un Observatoire de la mobilité avec Citec Digital. On a pu observer que partout le trafic avait chuté de manière spectaculaire. Avec un trafic de l’ordre de 30 % par rapport à la normale, et des chutes encore plus importantes sur des lieux touristiques comme la Promenade des Anglais à Nice où on ne circulait plus que 12 % du trafic habituel. 

 

RTS : À partir du 11 mai, un déconfinement s’est opéré de manière progressive : les écoles ont rouvert petit à petit, comme certains commerces. Avec encore toutefois une grande partie d’employés en télétravail. Comment est-ce que ces chiffres évoluent maintenant  ?

TU : L’ensemble des spécialistes suivent de très près l’évolution et le retour du trafic avec ses effets collatéraux. Il y a eu un certain nombre de semaines particulières, comme l’Ascension, la Pentecôte où le trafic était bas. Depuis la réouverture des frontières le 15 juin, on a un retour pratiquement à la normale sur les principaux axes routiers en Suisse. Il y a des différences notables entre les villes touristiques, industrielles ou tertiaires au niveau européen. À Genève et en Suisse, où le tertiaire joue un rôle important, on a encore pas mal de personnes qui peuvent télétravailler. Donc, du trafic pourrait encore revenir sur certaines zones.

 

RTS : Pour éviter un report sur la voiture le Canton et la Ville de Genève ont décidé d’encourager la mobilité douce en élargissant ou en créant des pistes cyclables. Le canton de Vaud est en train de suivre la tendance ainsi que les villes de Lausanne et Fribourg. Aujourd’hui que disent les compteurs de la ville de Genève ? 

TU : Les compteurs sont par définition dépouillés régulièrement et analysés. D’une manière générale, l’usage du vélo progresse partout en Suisse. À Genève, il progresse depuis les années 1990, début d’une grande politique en faveur du vélo. Les mesures qui ont été mises en place pour le coronavirus confirment l’attrait du vélo pour les déplacements à l’intérieur de la couronne urbaine. Les chiffres des compteurs confirment ces tendances.

 

RTS : Donc les pistes cyclables qui ont été créées sont utilisées ?

TU : Oui, bien sûr, elles amènent un certain nombre d’usagers vers le vélo, tout comme le vélo électrique. Les bandes cyclables amèneront aussi un certain nombre de personnes à utiliser ces aménagements. C’est notamment le cas des parents qui hésitent à mettre leurs enfants ou leurs ados sur le vélo. Ils auront certainement plus confiance dans des aménagements qui sont marqués et pour certains très confortables, qui donnent un sentiment de sécurité objective. 

 

RTS : Donner plus de place au vélo, c’est sans doute une bonne chose. Cela dit, Genève a décidé non seulement de rajouter les pistes cyclables là où il n’y en avait pas, mais aussi d’élargir des pistes là où il y en avait déjà. À quoi sert cet élargissement ?

TU : L’élargissement a plusieurs intérêts. Le premier, c’est bien entendu la sécurité des usagers. On donne clairement un signal à l’usager que le vélo va avoir de l’importance dans l’agglomération dans laquelle il se situe. C’est d’autre part la possibilité d’amener les sceptiques à l’usage du vélo. On peut également plus facilement dépasser, on a aujourd’hui une grande mixité d’usage, entre le vélo normal et le vélo électrique. Sur des pistes ou des aménagements étroits on a une plus grande difficulté à doubler. On peut rétorquer que dans une bande ou une piste cyclable de 2 mètres, on arrive à faire passer la demande actuelle. Mais je crois que le signal donné aujourd’hui par les autorités genevoises est celui que toutes les agglomérations européennes sont en train de donner.

 

RTS : La Ville de Genève n’est pas la seule à avoir créé des pistes cyclables supplémentaires dans l’urgence, d’autres villes européennes ont fait pareil ?

TU : Oui, on parle beaucoup du mot « urgence ». En l’occurrence, je pense que c’est un effet déclencheur. Beaucoup de villes avaient déjà ou ont une politique cyclable en cours. Et donc il s’est agi pour ces villes de mettre en place ce qui était prévu. En tout cas, c’est la pratique que les villes romandes ont privilégiée. Les axes qui ont été choisis dans le cas de Genève sont ceux pour lesquels il y avait déjà des projets où la planification était très avancée. Certes, ça a été mis en urgence, sans pouvoir faire l’ensemble de la concertation habituelle, mais ce ne sont pas des projets qui tombent du ciel.

 

RTS : Qu’est-ce qui pourrait rester de la mise en place de ces pistes cyclables ?

TU : Je crois qu’au même titre qu’il y a eu une période dans l’histoire de la mobilité où on a démonté des trams pour mettre des bus et des voitures, et qu’après on a cherché à remettre les transports publics au centre des villes, aujourd’hui la réalité nous amène à essayer de retrouver un équilibre plus grand pour les mobilités actives. C’est une tendance absolument mondiale, et non une particularité romande ou genevoise. Qu’est-ce qui va nous rester ? Les aménagements qui donneront satisfaction seront pérennisés. Ceux qui ne donnent pas satisfaction seront améliorés voire supprimés. C’est un processus assez normal. Il faut voir que le vélo a des avantages très important notamment dans une période où l’on s’attend à une crise des deniers publics. Il coûte peu à sa réalisation, pratiquement rien en frais d’exploitation, le vélo offre un avantage très positif à son usager en termes de santé publique. Donc, le bon sens de l’ensemble des collectivités pousse aujourd’hui au développement des réseaux vélos.  

 

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